La naissance du "Cercle Consulaire de Liège" (1914-1919)
Le 14 novembre 14, centenaire du Corps consulaire liégeois.
En novembre 1914 à Liège, les Consuls des pays neutres en poste au pays de Liège créèrent un Cercle consulaire qui fut très actif dès cette première guerre mondiale, défendant face à l'occupant leurs consulats et leurs ressortissants mais prenant en outre souvent parti pour les citoyens d'un pays dont la neutralité avait été violée. Le vendredi 14 novembre 2014, ce Centenaire sera commémoré lors d'un concert spécialement dédié à cet anniversaire par l'Orchestre philharmonique royal de Liège. Sont également envisagées, outre cette prestigieuse soirée, d'autres initiatives (une journée internationale etc ...)
Naissance du « Cercle Consulaire de Liège » le 20 novembre 1914, Assemblée générale du 8 mars 1919, rapport du Président, M. Gustave Sr Ghilain, Vice-consul puis Consul des « États-Unis Mexicains » à Liège du 23 janvier 1894 au 23 février 1951 :
« Messieurs et chers Collègues, aujourd'hui que nous avons le plaisir de revoir parmi nous tous nos Collègues des Pays qui ont combattu parmi ceux des Alliés et qui ont dû, forcément, par ce fait, rester éloignés de nos débats, nous pensons qu'il est utile de faire l'historique de notre groupement et d'en résumer les travaux. Au début de cette guerre mondiale (le 20 novembre 1914 NdlR), tous les Consuls établis à Liège se sont réunis en une Assemblée générale et ont pensé qu'il était nécessaire de se constituer en un Cercle Consulaire. Quelques réunions ont eu lieu ensuite mais les Membres du premier Comité dont les pays se sont mis en guerre de suite après, n'ont plus pu siéger et les réunions ont cessé. Il y a deux ans environ, nos Collègues les Consul et Vice-consul du Chili et le Vice-consul d'Espagne sont venus me voir pour me prier de prendre l'initiative de réunir à nouveau les Consuls des Pays Neutres et examiner ensemble les meilleures mesures à prendre pour sauvegarder nos intérêts et ceux de nos nationaux. Comme j'étais entièrement acquis à cette idée et que, de plus, j'étais à ce moment l'un des Doyens d'âge du Corps consulaire, j'ai déféré à leur désir. Notre première réunion fut décisive, en ce sens que tous, unanimement, nous fûmes d'avis de nous réunir régulièrement, de rechercher nos droits et nos prérogatives et de nous entraider pour les défendre. On me fit le grand honneur de me conserver à la Présidence et de nommer comme Vice Présidents Mr. le Baron de Sénarclens, Délégué du Consulat Général de Suisse et Mr. Oudenne, Consul des Pays-Bas, comme Secrétaire Mr. de Lame, Vice-consul d'Espagne et comme Trésorier, Mr. Jowa, Consul du Venezuela. Depuis lors, nous n'avons cessé de nous réunir régulièrement et nous avons pleinement rempli le but que nous nous étions proposé d'atteindre. Le Comité se réunissait avant chaque séance pour préparer la besogne. Il se réunissait encore entre les séances et à la demande de l'un ou l'autre de ses Membres pour l'examen de chaque point intéressant notre groupement. Toutes les décisions du Comité rallièrent l'unanimité des suffrages. Dans nos séances périodiques, nous avons appris tout d'abord à nous mieux connaître et à nous apprécier davantage. Une vive sympathie est née entre nous, des uns pour les autres, si bien que chacun se plaisait à assister à nos réunions et s'efforçait de supprimer les causes qui auraient pu l'empêcher d'y être présent. En résumé, nous pouvons dire que nos séances étaient agréables et que nous sommes tous devenus amis. L'un de nous avait-il une joie, tous nous la partagions. C'est ainsi que nous avons saisi avec empressement l'occasion de nous associer à la belle manifestation de sympathie que la « Colonie suisse » établie à Liège avait organisée en l'honneur de notre cher Vice Président, le Consul de la Fédération Helvétique, à l'occasion de son 70ème anniversaire de naissance. Avec quelle satisfaction, nous lui avons présenté, à ce propos, nos plus chaleureuses félicitations ainsi qu'un souvenir symbolique. Lors de la si heureuse libération de nos deux Collègues, Mr. Edgard Charles, Consul d'Haïti et Mr. Edmond Dresse, Consul de Danemark, nous nous sommes empressés de leur manifester tout le plaisir que nous avions de les retrouver parmi nous et de leur offrir une plaquette commémorative pour leur rappeler ce glorieux événement. Hélas, la peine de l'un de nous était aussi la peine de tous. Tous, nous nous sommes associés au deuil terrible qui a frappé notre cher Collègue Mr. Dresse, le Consul du Danemark, dans la personne de son fils, le Lieutenant Dresse, tombé au champ d'honneur et le Comité a tenu à lui adresser une lettre pour lui exprimer ses sentiments de condoléances les plus profondes. Il a de plus envoyé une délégation aux funérailles du héros. Dans ces dispositions de cœur et d'esprit, nous avons tous cherché à nous être utiles et à travailler les uns pour les autres. Une commission formée au sein de notre groupement et composée de Mr. Somzé, Vice-consul du Mexique, et de Mr. Gavage, Chargé du Consulat de Colombie, a bien voulu étudier la jurisprudence consulaire et en a recherché le meilleur code. Après avoir compulsé maints volumes, chose difficile en cette période troublée, que la poste et la censure rendaient plus malaisée encore, cette Commission a reconnu que les meilleurs traités n'avaient rapport à la juridiction consulaire que d'un seul pays et qu'aucun volume ne codifiait en une vue d'ensemble les droits, les devoirs, les exemptions et les immunités des Consuls. Elle a acquis les ouvrages les plus intéressants qui ont été confiés à Mr. Somzé et Mr. Gavage a bien voulu se charger de traduire et de résumer l'ouvrage du Dr. von Konig sur les Consulats allemands qui avait paru à la Commission le plus complet et le plus documenté en la matière. Chacun de nous a reçu un exemplaire de ce travail intéressant et plein de faits dont il y a lieu de savoir gré à notre Collègue Mr. Gavage et de le féliciter. Les conclusions qui se dégagent de la lecture de la brochure de Mr. Gavage sont que les Consuls de Commerce et les Consuls de Carrière ont, à peu près, les mêmes prérogatives, sous le rapport qui nous occupe. Les uns et les autres ont beaucoup de devoirs, peu d'exemptions et d'immunités et presque pas de droits ! … La confirmation de ces conclusions a été vécue par nous durant cette guerre. Nous devons pourtant constater que les autorités occupantes nous ont reconnu, pour nous et pour nos nationaux, certaines prérogatives que nous avons obtenues en nous appuyant les uns sur les autres. Dès que l'un de nous avait obtenu en effet un avantage, il en avisait le Comité - qui était toujours à la disposition du corps consulaire. Le fait était dès lors noté comme un précédent, pour le revendiquer éventuellement à leur tour. Pour les choses importantes, une photographie de la dispense accordée était remise aux Collègues. Au besoin, le Comité intervenait. Nous avons obtenu ainsi : 1) l'autorisation de fermer les portes des Consulats, alors que celles des autres habitations devaient rester ouvertes ; 2) L'autorisation de circuler en automobile, pendant les premiers mois de la guerre ; 3) Un laissez passer pour entrer à la Passzentrale ou à la Kommandatur sans attendre ; 4) Un permis de circulation pour la nuit ; 5) Un permis de prendre les trains express D réservés aux personnes munies d'une autorisation spéciale ; 6) Un permis de libre circulation de fruits et de légumes destinés aux Consulats ; 7) Un permis d'y recevoir journellement du lait ; 8) Une exemption de réquisition des pneus ; 9) Une exemption de réquisition de cuivre, laiton, étain, nickel, etc ; 10) Une exemption de se faire inscrire sur les registres des chômeurs ; 11) Une exemption de loger des soldats ou des officiers ; 12) Une exemption d'être retenu comme otage ; 13) Une autorisation de consommer mensuellement et supplémentairement 100 mètres cubes de gaz et 50 K.H. d'électricité. De plus, aucun Consulat neutre ne pouvait être détaché de ces réseaux sans l'assentiment du Bureau principal ; 14) Enfin, dans une note du Département politique aux ambassades des Puissances belligérantes, le Bundesrat a exposé que les Consuls et Vice-consuls ne jouissent pas en principe du droit d'exterritorialité mais que cependant pour des raisons de courtoisie internationale, le droit d'exterritorialité leur était reconnu dans l'avenir. Nous avons vivement regretté que cette mesure ait été prise trop tardivement pour que nos deux Collègues liégeois détenus n'aient pu en profiter ; 15) De plus certains d'entre nous ont obtenu, à titre exceptionnel, l'exemption de réquisition de cuivre et d'autres métaux et l'exemption de loger des troupes dans l'une ou l'autre maison leur appartenant et autre que leur Consulat. Mais que cela provienne soit d'une autre interprétation des textes, soit de la sévérité excessive ou de la mauvaise volonté de certains chefs, cette faveur n'a pu être obtenue par tous. Nous pensons, Chers Collègues que, eu égard à ce qui précède, vous serez d'avis de poursuivre les études de jurisprudence consulaire commencées si heureusement et de la codifier au besoin, en ayant soin d'y faire paraître les prérogatives qui nous ont été reconnues pendant cette guerre. Mais nous n'avons pas voulu nous occuper seulement de nous et de nos nationaux, nous nous sommes efforcés d'adoucir dans toute la mesure du possible le sort des malheureux prisonniers militaires détenus à la Citadelle. Quand l'un de nos amis, nous a eu raconté, en pleurant, dans quel état de dénuement et de misère, ils se trouvaient, quand il nous a eu dit les avoir vus manger de l'herbe dans les fossés, tant ils avaient faim et de ne pouvoir se tenir sur les jambes tant ils souffraient, les avoir entendus demander la mort tant leurs souffrances étaient grandes, quand l'état civil nous a eu révélé le nombre effrayant de décès journaliers qui les décimaient, le Comité a mis tout en œuvre pour les soulager et les secourir. Ce n'est pas sans une poignante et réelle émotion que vous aurez lu, comme nous, les jours derniers, dans le « Journal de Liège » des 14 et 20 février courant, la confirmation de ces faits et les témoignages accablants de l'autorité médicale liégeoise contre la barbarie et la méchanceté teutonnes. C'était donc avec raison que le Comité a fait, pour soulager et secourir ces malheureux prisonniers, démarches sur démarches et visites sur visites. Il a naturellement dû procéder avec la plus grande prudence et beaucoup de circonspection pour ne pas compromettre ses amis, étant donné le régime de terreur qui régnait alors ! Par l'entremise d'un vénérable pasteur, Mr. de Sénarclens a obtenu que la ration des prisonniers fut doublée et que leur traitement fut moins inhumain. Par l'intermédiaire de Melle Theunissen, dont l'aide intelligente et dévouée ne s'est pas ralentie pendant plusieurs années, on a pu leur faire remettre des douceurs et des cigarettes. Par les soins du Consul des Pays Bas, les prisonniers anglais dont les intérêts étaient officiellement confiés à sa garde, ont reçu chacun un costume complet, du linge et une subvention hebdomadaire en espèces. S.G. Mgr l'Évêque de Liège et le Nonce Apostolique de Bruxelles, mis au courant, par nous, de la situation épouvantable de ces malheureux, sont également intervenus, à notre demande, pour adoucir leur si effrayante misère. L'Oeuvre des Vêtements pour les Prisonniers dans la personne de ses zélées Directrices, les Demoiselles Durieux, les a secourus bien efficacement et les a réconfortés. Elle a pu faire parvenir du lait, des œufs et des médicaments aux malades. Mon rapport ne serait pas complet, Messieurs, si je ne rendais pas ici un solennel hommage au zèle et au dévouement de tous nos collègues durant la guerre et plus particulièrement à ceux de Mr. de Sénarclens, Consul de Suisse, de Mr. Oudenne, Consul des Pays-Bas et de Mr. de Lame, Vice-consul d'Espagne pour les services nombreux et éminents qu'ils ont rendus à nos concitoyens, les aidant de leurs conseils et de leurs deniers, intercédant pour eux près des autorités occupantes pour faire diminuer leurs peines ou les faire gracier, en un mot en répandant le bien de mille manières, alentour d'eux. Grâce à sa nationalité et à sa haute influence, Mr. de Sénarclens a pu intervenir efficacement auprès du Gouvernement allemand dans maints conflits que, non seulement les Suisses mais surtout les Belges, eurent avec lui. En s'appuyant sur les textes en vigueur, Mr Oudenne a su empêcher les charbons belges de passer en Hollande et que les graviers prétendument destinés à la réfection de nos routes, soient dirigés au front pour servir à la construction et à la consolidation des tranchées allemandes. Mr. de Lame a pu aider à la formation de l'œuvre d'assistance aux prisonniers militaires russes, amenés sur les chantiers allemands en 1916 et contribuer ainsi aux distributions hautement humanitaires d'objets de première nécessité et d'alimentation qui, en trois mois, se sont élevées à 90.000 francs et dont le comité directeur a dû rester dans l'ombre. Tels sont, Messieurs et chers Collègues, les travaux que les Consuls des Pays Neutres ont eu le bonheur d'accomplir en ces temps d'épreuves et dont nous devions – pensons-nous – vous donner le résumé fidèle. Ils prouvent l'utilité de notre groupement et la nécessité de le maintenir dans la guerre comme dans la paix ».
