BICENTENAIRE DU DÉBUT DE LA GUERRE D’INDÉPENDANCE GRECQUE
(1821-2021)
Jusqu’à la fin de l’occupation ottomane, au début du XIXe siècle, la Grèce n’a pas vraiment d’existence en tant que telle. Une constatation qui n’est pas sans analogies avec l’évolution historique de ce que nous appelons aujourd’hui la Belgique. Ce parallélisme prend davantage de sens quand on sait que l’indépendance des deux pays a été acquise à peu près au même moment, en 1830, avec l’accord des grandes puissances de l’époque – mais après une révolte contre le régime hollandais, à Bruxelles essentiellement, bien plus courte et bien moins sanglante que la Guerre d’Indépendance menée par les Grecs contre les Ottomans, de 1821 à 1830. Et plus de sens encore quand on se rappelle que le Prince Léopold de Saxe-Cobourg et Gotha s’était vu proposer le trône de la Grèce indépendante, qu’il accepta d’abord, puis refusa, avant d’être élu premier roi des Belges le 4 juin 1831 et de prêter le serment constitutionnel le 21 juillet de la même année, sous le nom de Léopold 1er.
Il reste toutefois une différence essentielle. Si la Belgique avait acquis dès 1830 une grande partie de l’extension territoriale qu’elle connaît aujourd’hui, l’Etat grec indépendant de 1830 se réduisait au Péloponnèse, à la Grèce centrale (y compris l’Attique) et aux îles d’Eubée, des Sporades du Nord et des Cyclades, de nombreuses régions ne lui étant intégrées que plus tard, les Îles Ioniennes en 1864, la Thessalie en 1881, la Macédoine, l’Epire et la Crète en 1913, la Thrace occidentale en 1919 et le Dodécanèse en 1947 seulement.
Selon la tradition, les hostilités contre l’occupation par l’Empire ottoman débutent en Grèce le 25 mars 1821. La date est ainsi devenue celle de la fête nationale hellénique et le 25 mars 2021 revêtira une signification particulière, celle du 200e anniversaire du début de la Révolution grecque (Ελληνική Επανάσταση).


Le Serment d'Agia Lavra (Theodoros Vryzakis, 1865)
Pour commémorer ce bicentenaire, le Consulat de la République hellénique a souhaité proposer aux Liégeoises et aux Liégeois une série d’événements et de manifestations répartis sur toute l’année, un programme “Grèce 2021”, qui devait être lancé officiellement au cours du dîner annuel du Corps consulaire de la Province de Liège, à la mi-mars. La pandémie de covid-19 en a décidé autrement. Le dîner 2021 en l'honneur de la Grèce a dû être reporté à la fin de septembre. La fête nationale du 25 mars, en revanche, a bien été célébrée. Une cérémonie officielle, organisée avec le précieux concours de la Ville de Liège, s'est tenue au Mémorial Interallié de Cointe, au pied du monument hellénique, édifié à la fin des années 1980 à l’initiative du Consul général de Grèce, Mr Dimitris Avramopoulos, et inauguré le 11 novembre 1988.
Une cérémonie quasiment à huis clos, puisqu'elle ne pouvait réunir, en extérieur, que dix personnes au maximum, mesures sanitaires gouvernementales obligent. Et la soirée pour les Grecques et les Grecs de Liège, que la Ville avait programmée pour clôturer la journée, sera reportée à des temps meilleurs, dans le cadre d’un autre événement “Grèce 2021”.
Outre la limitation du nombre de participants, la cérémonie de Cointe a pâti surtout des effets du vandalisme honteux qu’a subi à la mi-janvier dernier le monument hellénique, faisant disparaître tous les casques en bronze qui le constituaient, au nombre de 114 à l’origine – comme le nombre d’articles de la Constitution grecque adoptée par le Parlement hellénique le 22 décembre 1951 et entrée en vigueur le 1er janvier 1952 –, mais dont quelques-uns avaient déjà hélas été dérobés à plusieurs reprises entre 1988 et 2020.


Le monument hellénique du Mémorial Interallié de Cointe,
oeuvre du sculpteur Giorgos Nikolaidis

Le monument a récupéré heureusement pour la circonstance un aspect proche de celui qu’il avait avant les vols successifs, grâce à une restauration provisoire réalisée par les soins empressés du Service de la gestion de l’espace public de la Ville de Liège, atelier des tailleurs de pierre : une dalle de pierre triangulaire avec décoration gravée d’un empilement de casques a été posée sur le socle resté en place dans la niche de la “Salle des pylônes” du Mémorial Interallié.

Une restauration définitive est à présent envisagée, avec la collaboration de la Ville de Liège et de la Régie des Bâtiments de l’Etat fédéral, propriétaire du site du Mémorial Interallié et des monuments nationaux qui y sont installés. Un renforcement de la sécurisation de l’ensemble est également prévu. L’œuvre du sculpteur Giorgos Nikolaidis renaîtra en quelque sorte, en même temps que ses 114 casques de type antique, dans toute l’originalité de sa conception, qui s’écartait délibérément de la thématique traditionnelle des monuments commémoratifs liés à des conflits, pour s’élever, dans un second niveau de lecture, vers l’évocation d’un passé historique glorieux et exprimer ainsi pleinement la pérennité des qualités de tout un peuple. Le “monument aux casques”, précieux symbole de la participation de la Grèce au premier conflit mondial aux côtés des Alliés, retrouvera ainsi la place importante qu’il occupe depuis 1988 dans la Cité ardente, bien en vue dans le centre de mémoire qu’est le Mémorial de Cointe, celle d’un gage des relations et des liens indéfectibles entre la Grèce et Liège.
Robert Laffineur
Consul honoraire de la République hellénique à Liège
pour les provinces wallonnes